Réunion du centre missionnaire Saint-Irénée

 

Au lendemain de la guerre, le père Eugraph Kovalevsky, prenant acte de l’échec des deux premières tentatives de renaissance de l’Orthodoxie en Occident[1] désira créer, un nouveau centre missionnaire, organe de mise en œuvre concrète des travaux de l’ancienne commission Saint-Irénée de la Confrérie Saint-Photius. Il s’agissait d’organiser directement la refondation de l’Église locale de France. Car, plus personne, aucun prêtre, aucune paroisse, ne désirait alors s’engager dans cette voie et prendre sur ses épaules la charge écrasante de cette œuvre missionnaire.

Encore une fois, rappelons que le centre auprès de la commission Saint-Irénée (Confrérie Saint-Photius) avait pour but d’organiser concrètement l’Église orthodoxe française du lieu, ainsi que de défendre les intérêts de l’Orthodoxie en Occident en promulguant pour chaque mois un programme d’action.

Sous la présidence du chef de la province Saint-Irénée[2], le centre était composé de membres de la Confrérie, nommés ou invités par le président, ainsi que de collaborateurs n’appartenant pas à la Confrérie, mais ayant une ferme conscience ecclésiologique orthodoxe.

Les membres, invités à collaborer au travail du centre et jouissant de la pleine confiance de la province Saint-Irénée, étaient les suivants :

Révérendissime père Alexis van der Mensbrugghe, inspecteur de l’Institut Saint-Denis,

M. Jean Balcaen, président du conseil de la paroisse Saint-Irénée,

M. Jean Balzon, membre du conseil de la paroisse Saint-Irénée,

M. Paul L’Huillier, étudiant en théologie Candidat à la Confrérie Saint-Photius,

M. Jean Péquignot, membre du conseil de la paroisse Saint-Irénée,

M. Michel Zimine, étudiant en théologie, candidat à la confrérie Saint-Photius.

Le centre se réservait la faculté d’inviter d’autres personne à titre consultatif.

Éditée dans Forgeville n°5, p. 124

 

Première réunion du centre Saint-Irénée

Mardi 2 mars 1948, 20 h. 30

 

Le R.P. Eugraph Kovalevsky ouvre la séance avec la récitation de Notre Père et du Credo.

Il dit ensuite : Notre réunion intime a pour but d’ouvrir une nouvelle étape dans le développement de l’Église de France.

Si nous tombons d’accord sur les principes essentiels, cette réunion sera en même temps une réunion préparatoire à une rencontre plus vaste, destinée à tracer, sous la protection de saint Léon pape de Rome, le plan général de l’Église de l’Europe occidentale, du patriarcat romain orthodoxe.

Il me semble utile et salutaire de rappeler ici les grands principes de notre Confrérie, étant donné surtout que la majorité des personnes ici présentes n’en font pas partie et ne connaissent pas très bien notre manière de penser, le but unique de la Confrérie est la gloire universelle de l’Orthodoxie.

Elle est l’ombre et la servante libre de l’épiscopat œcuménique, de l’unité du sacerdoce apostolique et, en même temps, nous sommes les défenseurs du sacerdoce Royal du peuple orthodoxe. Le souverain de la Confrérie est l’unité apostolique, image du Christ. La souveraine est l’Église des fidèles, l’Épouse du Christ, le peuple orthodoxe.

La Confrérie est là pour les servir et pour s’effacer à l’instant où ces deux qui ne doivent faire qu’un seul Corps, s’épanouissent dans Leur gloire.

Ainsi la Confrérie ne recherche pas ses droits ni sa gloire, mais se charge d’obligation en se vouant à l’oubli pour les droits et la gloire de l’Orthodoxie, de son épiscopat et de son peuple.

Anathème à celui qui, imitant Cham, méprise l’épiscopat orthodoxe et sa souveraineté, le souffle de l’Esprit-Saint.

Anathème à celui qui méprise le peuple orthodoxe et sa souveraineté achetée par le sang précieux du Christ.

Anathème à nous, si nous recherchons notre propre gloire et non l’oublie de nous-même, et non la gloire du peuple chrétien uni à ses évêques.

Tel est l’esprit de notre Confrérie.

Nous confessons aussi que l’Église universelle est une et qu’Elle est la plénitude de la catholicité, c’est à dire l’union en charité des Églises-sœurs.

Ainsi notre Confrérie est appelée à briser les rideaux de fer entre les Églises-sœurs isolées, entre Slaves et Grecs, entre l’Orient et l’Occident. Elle se dresse contre tout esprit de domination d’une partie de l’Église sur les autres.

Anathème à celui qui est satisfait de son propre charisme local, comme d’une fausse plénitude, en s’isolant des autres.

Anathème à celui qui se soumet lâchement à la domination du plus fort dans l’Église ou qui est gonflé de sa propre valeur, au détriment de sa vocation.

Nous confessons aussi que l’Église du Christ est libre, distincte de toute forme de civilisation, de culture et en particulier de tout régime politique, de toute tendance sociale... Mais en même temps nous confessons que, dans l’histoire et la politique humaines, rien n’est dû au hasard, tout est guidé par la Providence.

Anathème à celui qui lie l’existence de l’Église à telle ou telle forme de civilisation ou de régime politique. Celui qui entraîne l’Église à leur service est traître au sacerdoce royal.

Anathème à celui qui, dans les événements politiques ou dans la marche de la civilisation, ne voit que le danger pour l’œuvre du Christ, l’action de l’Antéchrist, au lieu de proclamer la sagesse de la Providence divine.

Telle est la pensée agissante de notre Confrérie.

Si quelqu’un parmi nos invités qui, je veux le croire, sont plus que nos amis et ont pleine confiance en nous, a quelque chose à demander sur les grands principes de la Confrérie, nous sommes là pour recevoir toutes les remarques.

 

 


[1] (La première paroisse francophone de la transfiguration en 1926, et  l’intégration du groupe de monseigneur Winnaert en 1937)

[2] Père Eugraph Kovalevsky, la province est un autre nom pour désigner la commission Saint-Irénée.