Chapitre 6 Théologie et Science

 

C’est dans les problèmes modernes que nous devons projeter les grands principes de l’Église dans sa lutte avec l’arianisme, pour voir « sur le vif », les conséquences de l’orthodoxie et de l’arianisme, et ce que veut dire l’Église en combattant l’arianisme.

Étudions un exemple concret : les rapports de la théologie et de la science, qui reflètent d’une certaine manière les rapports entre le Divin et l’Humain. Quels sont les rapports actuels entre la théologie et la science ? Ils sont quelquefois méprisants, haineux, mais le XIXe siècle a expérimenté une solution : chacun vit de son côté. Est-ce la vraie solution ? C’est la solu­tion d’une théologie d’un Dieu transcendant, qui ne s’incarne pas. C’est une solution arienne. La vraie atti­tude de la théologie, c’est de s’engager dans la science, de se mettre au service de la science. Non pas diriger la science, ce serait un retour à la formule du Moyen Age selon laquelle la philosophie — donc la science — est servante de la théologie. Or, cette formule, « philosophie servante de la théologie » est radicale­ment hérétique. Que signifie cette formule du point de vue dogmatique ? Que l’homme doit servir Dieu, L’aider, L’alimenter, parce que la philosophie — ou la science — devait expliquer et soutenir la théologie.

Le Christ n’est pas venu du tout pour servir Dieu. Dieu est devenu homme pour servir l’homme : « Je suis venu pour servir, mais non pour être servi » (Le XXII, v. 27). Ce qui veut dire : « Je suis venu vous sauver, mais non être sauvé. » Il a pris la forme de l’humanité, Il est devenu Fils de l’homme, pour vivre notre vie et nous servir, tout est là. C’est pourquoi on l’appelle le Serviteur. Isaïe l’appelle le Serviteur. Librement Il est devenu notre Serviteur, Il a pris nos peines, Il est venu sous forme d’esclave, comme dit l’apôtre Paul.

Alors, qu’elle doit être l’attitude de la théologie vis-à-vis de la science? C’est de se mettre au service de la science. Je ne sais pas si vous réalisez la transfor­mation de la vision. Parce qu’en général, qu’est-ce qui se passe : la théologie est là, elle est installée vis-à-vis des arts, de la philosophie, de la science, comme un dieu transcendant, et elle dit : «Matisse, arts modernes, venez me servir !» Mais jamais de la vie ! C’est elle qui doit servir Matisse, mais ce n’est pas Matisse qui doit être serviteur de leur chapelle ! Dieu S’engage dans l’étoffe de notre vie, tout ce qui est supérieur doit s’engager dans l’inférieur et devenir un des serviteurs. Le Christ est venu comme un parmi les autres, un dans la chaîne des prêtres, un dans la chaîne des générations : « Fils de tel, fils de tel... » pour devenir Père du siècle à venir. Il est entré dans un moment donné historique. Et la vraie attitude d'un théologien à partir d’une révélation, d’une initiation, ou d’un enseignement de l’Église, quand il entre dans une branche quelconque de la civilisation des hommes, doit être tout d’abord, se mettre au service.

Comment le Christ S’est-il mis au service ? Il a pris un aspect, une attitude humble. Il a été enfant, Il a étudié humblement, parmi les pharisiens et les autres, Il a été soumis à Sa mère, puis baptisé par Jean-Bap­tiste, ce qui pour un prophète est comme un diplôme universitaire.

Et le théologien doit se mettre au service de la science, du droit, de la philosophie et de l’art. Mais cela ne signifie pas qu’il abandonne ce qu’il a appris dans la théologie : Le Christ n’a pas cessé d’être Dieu ! Au contraire, les qualités théologiques étant au service des sciences, doivent éclater : et si elles n’écla­tent pas, elles ne servent pas la science et votre théo­logie n’a pas de valeur. Il n’y a pas d’autre chemin que celui-là ; si la théologie reste ici, et la science là-bas, alors c’est Dieu d’un côté et l’homme de l’autre, il n’y a aucune unité.

Pourquoi disons-nous que nous sommes des chré­tiens ? Deux plans séparés et transcendants, cela existe sans la venue du Christ ! Un théologien, un chrétien s’engage avec ses pensées.

Il n’est ni « anti », (être antiscience c’est être antihomme : mais le Christ est devenu homme !) ni apologète, prétendant justifier telle ou telle affirma­tion parce qu’elle vient de l’Ecriture Sainte ou de saint Basile, ou bien parce que saint Serge agissait de telle ou telle manière. Attention, tout doit être jugé non en tant que conforme à la théologie, mais par les idées elles-mêmes ! Pas de compromis non plus, ni tout à fait science ni tout à fait théologie, ce qui nous donne à la fois une mauvaise science et une mauvaise théologie. Oh ! il y a des milliers de livres ainsi ! Comme si le Christ était un mauvais Dieu et un mauvais homme : Non ! Il était pleinement homme et pleinement Dieu ! Nous devons aller dans la science pour la servir.

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