Les relations de l'Eglise et l'Etat

 

Extrait du cours de Droit Canon du 25 novembre 1959.

 

Si l’Église a subi des difficultés dans le monde politique, ce n’est pas la faute de la politique - et ça, c’est une thèse, qu’on doit écrire avec des lettres rouges - mais c’est la faute des chrétiens. Car il n’y a pas une situation politique qui est nuisible pour l’Église. Elles sont toujours positives pour l’œuvre du Christ.

Je m’explique. Admettons le cas extrême : l’Église est persécutée, comme en Russie soviétique ou par Hitler ou par les empereurs romains des premiers siècles ou comme en Perse - ou n’importe où. Si elle est persécutée, elle se purifiera parce que la persécution purifie l’Église. Les martyrs, c’est la semence de l’Évangile. Et cette persécution libèrera également l’Église de toutes les "ajouts" temporels qu’elle acquière seulement par temps de paix. Soyons francs, si nous prenons notre cas, aujourd’hui, nous sommes ici réunis, nous sommes très heureux, nous sommes pauvres, nous avons des difficultés… Si nous sommes sages, si nous plaisons à Dieu, notre Église orthodoxe de France commencera à grandir. Plus encore, en grandissant, elle s’enrichira. Mais dans le même temps, elle devra supporter, chaque jour un peu plus, une perte de qualité. Vous me direz tous : alors, on doit rester petit groupe ? Mais non ! notre devoir est de devenir l’univers. Mais seulement ça se paie. Parce que l’être est faible. Si l’Église est parfaite en soi, elle est néanmoins composée d’êtres faibles. Et toujours, quand il y a une grande paix, une certaine sérénité, une reconnaissance, on s’alourdit, on s’installe dans les fauteuils, on devient cette quiétude. Je me disais dernièrement : mais si nous n’avions pas connu toutes ces difficultés, nous tous ensemble qui avons vécu dans l’Église, nous serions devenus des monstres. Nous nous serions promenés, n’est-ce pas, nous, presque comme des vedettes, on aurait été photographiés partout, dans Match, avec les enfants, sans les enfants, bénissant, Père Eugraph priant, n’est-ce pas, avec des yeux extasiés, Père Gabriel expliquant, enfin, vous voyez. Bref, on aurait prostitué notre foi, facilement, imperceptiblement. Vous comprenez.