Sur la Vérité

 

Homélie (1960)

[...] Mais, je tiens à souligner aujourd'hui que cette indignité ne signifie pas que je vous enseigne quelque chose de non conforme à l'Orthodoxie. Tout ce que j'enseigne ici est la Tradition. Je n'ai jamais osé donner « mon » opinion. Derrière chaque parole est le cœur de l'Église et la Tradition sainte. Vous pouvez être assurés que je n'ai jamais trahi un mot de la divine doctrine de l’Église du Christ. Et même, dans la condescendance et la bonté qui sont propres à mon caractère, j'ai toujours préservé la limite lorsqu'il s'agissait de la Vérité. Vous pouvez être tranquilles ! Je préférerais être maltraité, je n'ai jamais trahi, non mes pensées mais les pensées de l'Église. Même ceux qui nous attaquent et m'attaquent sont confondus. Et peut-être que si notre Église traverse des difficultés, c'est parce que dans l'église française Saint-Irénée, la Vérité orthodoxe est brûlante, c'est parce qu'elle ne connaît pas de compromis avec ce monde, ainsi que me disait mon ami le Père Sophrony. [...]

 

Article (1968) :

[...] Qui est ce Verbe sorti du Silence, c’est-à-dire du Père ? « Logos » et « Siguia », Parole et Silence, le Verbe est sorti du Silence pour nous. Même du point de vue spirituel, cette notion est vitale : pour qu’un verbe vrai soit une parole vraie, ils doivent sortir du silence et non d’une autre parole. Le Verbe n’engendre pas le Verbe, le Fils n’est pas le père du Fils, c’est le Père qui est le père du Fils, c’est le Silence qui engendre la Parole. Si nous ne retrouvons pas le silence intérieur, à l’image du Père, nos paroles seront fausses. La vérité ne jaillira d’un être que si ses paroles jaillissent du silence. [...]

 

Homélie (1955) :

[...] Toute l’Ecriture Sainte est remplie de ces contradictions pour que nous cherchions exactement la vérité ; il n’y a pas d’à peu près dans la vérité. On est dans les ténèbres ou on est dans la lumière.[...]

 

Article (1955 ) :

[...] tout ce qui est faux renferme une parcelle de vérité ; le mensonge est parasitaire de la vérité, dont il tire la vie et dont il reçoit les apparences de possibilité [...]

 

Article "Amant de la Vérité" (1960) :

Les amants passionnés de la Vérité sont rares. Ceux, tout au moins, qui le demeurent à contre-courant des opinions reçues et des circonstances vécues. Ce sont pourtant ces derniers qui nous libèrent et qui, élargissant notre horizon, nous gardent ou nous restituent le courage de vivre.

Nous l’avons déjà écrit, nous le répétons afin de prêcher « à temps et à contre-temps », et de le graver dans l’esprit de nos contemporains : nous confessons, nous proclamons que l’Église est vraie parce qu’elle confesse la Vérité, et nous anathématisons, nous rejetons ceux qui disent que la Vérité est vraie parce que l’Église l’enseigne. Nous demeurons fermement attachés à l’Orthodoxie, gardienne fidèle du dépôt des Apôtres, mais si les orthodoxes confessaient l’hérésie, nous les combattrions sans acception de personne.

« La justice et la paix se sont embrassées », énonce le psalmiste, car « la Vérité se pencha du ciel ». La Vérité vient de Dieu ; nous pouvons la servir, la répandre, nous pouvons mourir pour elle, nous ne pouvons la faire nôtre. Elle est un don divin, la Grâce. Sans elle, une paix juste et une justice pacifique n’existeront jamais, seule la paix injuste et la justice impitoyable subsisteront. La Vérité n’est la propriété de personne, la Vérité est le Christ – « Je suis la Vérité » – celle qui nous vivifie et nous délivre. L’Église sans Vérité ne vivifie plus et ne libère plus. Nous en témoignons sans la moindre équivoque : même les sacrements, et parmi eux le plus grand, l’Eucharistie, ne peuvent régénérer l’âme s’ils ne portent en eux la Vérité, car ils ne sont que l’actualisation mystérieuse de la Vérité révélée, le Christ dans l’Église.

Les Pères de l’Église, dans les Canons eucharistiques, ne se lassent pas de confesser les mystères sacrés de la Trinité, de l’Incarnation, de la Rédemption, de la Déification.

La Vérité marche devant les sacrements, les canons, la hiérarchie et toute forme ecclésiale. Le Christ est avant l’Église. Le Seigneur instruit déjà Ses Apôtres du mystère de la communion, avant la « Cène mystique » : « Celui qui mange Ma Chair et boit Mon Sang a la vie éternelle ». Cette étrange nourriture était la Vérité dépassant l’entendement des disciples et scandalisant la foule. La Vérité brûle, transforme, transcende les idées préconçues, bouleverse les habitudes : elle révolutionne. Salutaire, elle n’est nullement accommodante.

Sans la passion de la Vérité, la paix entre les peuples et l’union des Églises sont vaines, promises à l’échec. Le malin se glisse invisiblement dans les climats de « tolérance et de bienveillance indifférente » qui entourent souvent les mouvements œcuméniques.

Certes, la passion désintéressée de la Vérité n’a rien à faire avec l’esprit sectaire et fanatique, mais, malgré leur opposition, ils sont généralement confondus.

Les défenseurs de la Vérité sont persécutés et leur destin est celui des martyrs. Les sectaires, au contraire, sont agressifs, persécuteurs, meurtriers. Les premiers, disciples du Christ, sacrifient leur vie pour le prochain ; les seconds, successeurs des pharisiens, sacrifient la vie de leur prochain. N’oublions pas que la Vérité libère et que l’hérésie enchaîne. Les serviteurs de la Vérité font resplendir les valeurs les plus nobles et les plus sublimes de l’homme : l’indépendance, le courage moral, tous deux soudés à l’humilité et à l’oubli de soi.

 

Homélie pour la fête des trois Saints Docteurs (1955) :
[...]Le doux Grégoire le Théologien n’a-t-il pas dit lui-même : mieux vaut le combat pour la vérité que la paix dans le mensonge ! Notre lutte, notre indignation, notre combat, en nous, en dehors de nous, doit être impitoyable pour faire éclater la vérité contre le mensonge, notre âme doit être aussi ardente pour cette lutte que pour désirer la paix dans la plénitude. Notre Seigneur qui réunit tout en Lui et éclaire jusqu’à l’enfer a dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée ! » C’est cette épée qui tranche entre la vérité et le mensonge, entre le bien et le mal, entre le juste et le faux. Mais cette épée ne doit pas passer extérieurement mais intérieurement. Aucun peuple n’est entièrement bon ou mauvais, il y a du mauvais et du bon en lui. Ne dites jamais non plus d’un homme qu’il est entièrement mauvais. C’est au moment où il est tombé le plus bas qu’il est peut-être à la veille de devenir un saint. Sans cesse le danger nous guette tous. Ainsi l’épée doit-elle passer à l’intérieur de chaque être et de chaque chose, distinguant en tout le bon et le mauvais, le vrai et le faux, séparant l’ivraie et le bon grain. C’est cette rectitude, cette intransigeance dans la lutte pour la vérité que nous enseignent aussi les trois docteurs qui, tous trois, luttèrent ardemment pour la vérité révélée par le Christ.[...]