Homélie sans date - deuxième dimanche de carême - Saint Grégoire Palamas

 

Homélie disponible dans le CD n°2 : homélies du Grand Carême et de Pâques.

 

Évangile : Mt 17, 1-9.

 

… et en même temps, c’est le dimanche de la Transfiguration, de la Lumière Incréée. Car l’orient, l’Église d’orient, orthodoxe, fête le grand Père Grégoire Palamas, le défenseur de la Lumière Incréée. Vous voyez cet esprit de l’Église qui saisit toujours deux choses à la fois. D’un côté, l’homme écrasé par le péché, par l’incrédulité, et de l’autre spontanément cette fête lumineuse de la lumière divine qui pénètre tout, qui transfigure tout. Cette révélation sur le mont Thabor où trois Apôtres ont vu la plénitude de l’Église transfigurée et éternelle. Car la loi et les prophètes, Moïse et Elie étaient là, et la divine Trinité est apparue, le Christ resplendissant comme le soleil, montrant son corps glorieux déifié, sa Gloire divine, les paroles du Père, « Celui-ci est mon Fils bien-aimé »[1], et ce nuage lumineux qui les couvrit, l’Esprit-Saint. Ce double aspect que je veux souligner aujourd’hui, car ce n’est pas seulement l’Église qui a soudé cette joyeuse, glorieuse, merveilleuse fête de la lumière divine et de la Transfiguration avec la pénitence, mais dans l’Évangile même, si nous continuons à lire l’Évangile de Mathieu, de Marc, de Luc, pendant que le Christ s’est transfiguré devant les Apôtres, en bas, pas en haut, dans cet étage inférieur, dans la plaine, dans la platitude de notre vie et non dans l’élévation de notre âme, de notre esprit, qu’est-ce qui s’est passé ? L’incapacité des Apôtres de guérir un possédé. Car si vous vous souvenez, après, quand le Christ est descendu de la montagne, Il a trouvé une foule, un possédé et les Apôtres incapables de le guérir. Et alors le Christ, ayant montré Sa divinité, Sa gloire, a prononcé ces paroles pleines d’amertume : « ô race perverse et incrédule, jusqu’à quand je dois vous supporter[2] ? » Ce double aspect est en nous, ce double aspect est dans le monde. En nous car nous avons la plaine en nous, où nous sommes incrédules, incapables, et les paroles d’amertume du Christ s’adressent à nous en disant : « race perverse et incrédule, jusqu’à quand Je peux vous tolérer ? » Il y a une partie de notre être qui justement doit crier pénitence, se transformer, chercher la foi véritable, et à côté, à l’intérieur de nous, au même instant, dans ce sommet de notre âme, dans ce Thabor de notre cœur, dans ces profondeurs de notre esprit, si nous entrons en nous profondément, si nous montons en nous profondément, si je peux dire, là, nous sommes saisis de tremblements devant la beauté divine, là, nous entendons les paroles du Père qui dit « mon Fils bien aimé », et nous voyons la lumière intérieure. Voilà pourquoi saint Syméon le nouveau théologien après l’extase qu’il a eu, quand il a vu la lumière divine, il dit que : « je ne savais même pas si Dieu et moi ne font qu’un, si j’existe, car tout était lumière », il raconte ça quand il est jeune, tout était cette lumière resplendissante de transfiguration, il n’avait plus besoin ni de la vie éternelle, ni du paradis, ni rien du tout car il était déjà en Dieu et Dieu en lui, ne faisant qu’un dans cette béatitude de lumière. Quand il est revenu de cette extase, ses lèvres toutes tremblantes répétaient : « aie pitié de moi, aie pitié de moi, aie pitié de moi ». Quelle est la corde tendue d’un ton unique entre cette plaine où nous sentons d’être incrédules, nous sentons d’être des Apôtres incapables, dignes du mépris de Dieu, et d’autre côté, nous sommes déjà sur le mont Thabor, dans l’intimité des trois Apôtres, nous contemplons cette lumière sans crépuscule, nous sommes déjà remplis de la gloire divine, et nous disons sur le Mont Thabor avec l’apôtre Pierre : « Il est bon de rester ici ». Mais le Christ, après, ayant montré la lumière, nous ramène dans la plaine, pour nous enseigner cette lutte contre le démon. Dans le monde actuel, nous avons cette plaine, cette incrédulité, cette race perverse et incrédule qui est insupportable pour le regard du Christ. Ce monde qui est antichrist, ce monde possédé sans issue... sans la puissance divine, ce monde où les Apôtres, les évêques, les prêtres, nous tous sommes incapables de chasser le malin. Nous sommes là, assis. Et en même temps, dans notre temps, je pense déjà à saint Jean de Cronstadt dont je porte le nom, mais il n’est pas seul, vraiment nous, même ici à l’église, même dans toutes les églises, nous contemplons la lumière incréée et l’Église est dans sa plénitude, car ils sont là, Élie et Moise, et les trois Apôtres, formant cette unité parfaite dans cette minorité peut-être humaine, mais qui est la plénitude de l’humanité baignée dans la lumière, entourée par l’Esprit-Saint comme une ombre, comme un nuage, et entendant la voix du Père « Celui-ci est Mon Fils bien-aimé ». Voilà pourquoi nous avons deux sentiments : énorme indignation, tristesse de ce qui se passe dans le monde, de cet esprit de pénitence devant Dieu pour notre incrédulité, notre faiblesse et notre incapacité. Nous sommes lucides pour voir le mal devant Notre Seigneur …, mais en même temps avec ce même sentiment, avant que la Résurrection du monde arrive, nous sommes dans la paix profonde, nous sommes victorieux, car nous sommes témoins de la Trinité, car nous sommes déjà dans la plénitude des temps qui étaient accomplis dans la Transfiguration, invisible pour le monde extérieur, visible, palpable, réelle pour nous ! Et voilà pourquoi en se préparant à passer par le Golgotha la semaine Sainte, tout en connaissant notre faiblesse, pensons à Pierre, aux Apôtres qui ont trahi à la dernière minute, tout en voyant notre infirmité, par notre égard de Toi, nous sommes déjà dans la Résurrection, et le monde transfiguré, amen.

 

 


[1] Mt 17, 5.

[2] Cf. Mt 17, 17.