Patriarche Serge de Moscou

 

 

Décret du Patriarcat de Moscou à Son Eminence ELEUTHERE, Métropolite de Vilno et de Lituanie, Exarque de l’Eglise Russe en Europe occidentale du 16 juin 1936

 

[...] Aujourd'hui Mgr. Winnaert a sous sa juridiction six prêtres (probablement ordonnés par lui) et un diacre, des Paroisses à Paris, Rouen, Bruxelles, en Hollande et à Rome. Le nombre des fidèles ne dépasse pas 1.500. Dans la confession de foi, le mémorandum reproduit la formule vieille-ca­tholique : l'enseignement de l'Eglise ancienne non séparée formulé par le Symbole de Nicée-Constantinople et les canons des sept Conciles œcuméniques. L'Eglise catholique-évangélique accepte les règlements et traditions orthodoxes concernant la hiérarchie, les sacrements, le culte de la Mère de Dieu, des Saints et des images. Elle rejette les innovations romaines (entre autres l’introduction du ''Filioque" dans le Symbole de foi) et adhère sans réserve à l'Encyclique des Patriarches d'Orient de 1849. Contrairement aux protestants, l'Eglise catholique-évangélique reconnaît l’autorité de l’Eglise dans l’interprétation des Saintes Ecritures ainsi que la Tradition comme manifestation de la foi de l'Eglise. Elle condamne tout ce qui ne peut être concilié avec le Christianisme dans les courants actuels de l'occultisme, théosophie, anthroposophie etc. (sans doute pour mieux se distinguer de l’Eglise catholique-libérale déviée vers l'occultisme). L’office se fait en langue française et relève de la tradition liturgique de l’Occident par son ordonnance aussi bien que par ses apparences (ornements de l'Eglise, disposition du sanctuaire, vêtements, cierges etc) à la seule différence que les statues sont remplacées par les images comme dans l'Eglise d'Orient. Les textes liturgiques sont empruntés à l'Eglise romaine, mais dûment adaptés. En tout cela, l’Eglise catholique évangélique, comme il est naturel en France, s’inspire plutôt de la tradition gallicane enracinée dans la tradition orthodoxe de ce pays (Saint Irénée et l'Eglise de Lyon) que des coutumes romaines d’aujour­d’hui. En particulier, la Liturgie est une adaptation de la messe latine avec les changements suivants:

  1. l’épiclèse est conservée, comme dans la messe latine, avant les paroles de notre Seigneur, mais elle est précisée et renforcée par une prière spéciale au Saint-Esprit Qui est invoqué pour bénir et sanctifier l’offrande ;
  2. les Saints Sacrements sont conférés sous les deux Espèces;
  3. le Symbole de la foi est chanté sans le "Filioque";
  4. les Litanies, supprimées dans la messe latine sont rétablies.

[...]

 

On a décidé :

de reconnaître la possibilité de la réception de Mgr. Win­naert et de sa communauté dans l'unité de la Sainte Eglise Orthodoxe aux conditions suivantes:

1. Nous pouvons seulement recevoir Mgr. Winnaert en dignité de prêtre, auquel grade il peut être reçu en communion conformément aux règles en vigueur dans l'Eglise russe, à la condition de la disso­lution de son mariage et sans espoir d'atteindre au grade épiscopal. Après quoi, Mgr. Winnaert élevé à la dignité d'archiprêtre ou d'archi­mandrite, s'il veut prendre l'habit monastique, pourra gouverner sa communauté nouvellement réunie à l'Eglise à titre d'administrateur sous la juridiction épiscopale de l'Exarque de l’Eglise russe en Eu­rope.

2. Le clergé et les fidèles de la communauté, ayant reçu la confirmation ou l'onction par le Saint Chrême, doivent être réunis par le troisième ordre (par le sacrement de pénitence); ceux qui n'ont pas été confirmés devront être reçus par le deuxième ordre (par l'onc­tion). Pour rentrer dans le clergé orthodoxe, les membres du clergé devront être réordonnés par un évêque orthodoxe. Les ecclésiastiques possédant l'ordination reconnue par l’Eglise russe pourront, à défaut d'autres obstacles, être reçus en leur dignité.

3. La communauté devra suivre fidèlement l'enseignement de l'Eglise orthodoxe. A cette fin, les prêtres de la communauté de­vront bien étudier les dogmes de la foi orthodoxe avec l'aide de quel­que compendium admis par l’Eglise orthodoxe (Cours de Dogmatique, ca­téchisme, exposition de la foi orthodoxe, confession...etc.). Dans les cas douteux, ils devront s'adresser à l'évêque gouvernant et sui­vre ses indications.

4. Dans ses offices, ainsi qu’en général dans tout le ca­ractère extérieur du culte, la communauté pourra conserver le rite occidental qu'elle pratique; toutefois les textes des offices devront être expurgés au fur et à mesure des expressions et pensées qui seraient inadmissibles pour l’Orthodoxie.

5. La communauté adoptera dans son calendrier tous les Saints canonisés par l’Eglise d’Orient, et surtout gardera ceux d'entre les Saints occidentaux qui ont été canonisés avant la séparation de Rome de l'Eglise orthodoxe.

6. Dans la liturgie, il est indispensable :

  1. de ne fai­re usage que de pain levé ;
  2. de placer l'épiclèse non pas avant mais après les paroles de notre Seigneur, afin d’écarter tout malen­tendu à propos du moment de la transsubstantiation;
  3. de conférer la Sainte communion aux laïques sous les deux espèces en commun, à l'aide de cuillère
  4. en signe d’unité canonique avec le diocèse, la liturgie devra être célébrée sur un antimension consacré et délivré par l'évêque gouvernant.

7. Le baptême devra s’effectuer préférablement par trois immersions et, à titre d’exception, par l’ablution ou aspersion. Pour la confirmation on utilisera le Saint Chrême délivré par l’évêque. Dans l’administration des Saintes Huiles, on soulignera son vrai caractère, non seulement d’extrême onction, mais aussi de guérison du corps et de l’âme du malade.

8. Mgr. Winnaert et tous ceux qui désirent la réunion devront présenter leur déclaration personnelle ou de la part des paroisses et des groupes à l'Exarque de l’Eglise russe, son Eminence le Métropolite Eleuthère. Si le Métropolite ne peut venir lui-même, qu’il daigne déléguer pour l’accomplissement du rite de la réception quelqu’un de Son clergé capable d’officier en langue française. Le rite de la réception pourra s’effectuer dans une église orthodoxe ou dans celle de la communauté qui doit être réunie.

9. Les paroisses réunies à l’Eglise orthodoxe, se servant du rite occidental seront désignées comme l'Eglise orthodoxe occidentale.

10. Les candidats au sacerdoce, diaconat et clergé mineur pour les paroisses orthodoxes occidentales devront être contrôlés, comme de règle, du point de vue des obstacles canoniques ; leurs connaissances théologiques et canoniques seront aussi examinées. Lors de l'ordination ils revêtiront les vêtements liturgiques occidentaux. Ultérieurement, s’ils prennent part aux offices orthodoxes du rite oriental, ils pourront revêtir indifféremment les vêtements orientaux ou occidentaux. De même, le clergé orthodoxe oriental prenant part aux offices orthodoxes occidentaux.

11. En tout le reste, la présente œuvre de réunion et d'organisation ecclésiastique des Eglises orthodoxes occidentales est confiée à la sollicitude et aux dispositions épiscopales du Métropolite de Lituanie, Evêque diocésain des paroisses de l'Eglise de Moscou en Europe.

Auquel sujet, le présent décret est adressé à l'Eminent Métropolite de Lituanie comme règlement, ainsi qu’aux autres hiérarques comme information.

SOURCE

 

 

 

Lettre à la Confrérie Saint-Photius du 25 août 1939

 

[...] Le rite occidental qui est admis chez nous1 doit être considéré comme une première expérience, faite d'une façon plu­tôt hâtive, et qui par conséquent n'exclut nullement ni de nouvelles expériences ni des rectifications. On m'écrit par exemple que nos frères occidentaux ne sont pas très fermes quant à la vénération des icônes, et aussi pour n'admettre à la Sainte Communion que des membres de l'Eglise.

Il est probable que dans les textes liturgiques et dans le rite il y a des modifications qui sont nécessaires. En d'autres termes, la rédaction actuelle du Service Divin orthodoxe occidentale, textes, rites, et coutumes, ne peut être considérée ni comme définitivement fixée, ni comme l'unique possible.

C'est pourquoi, si un groupe quelconque s'adressait à nous pour nous soumettre une version à lui, plus parfaite, de la Liturgie Occidentale, il n'y aurait aucune raison pour nous empêcher de l'accepter. L'usage parallèle de deux rédactions du Service Divin, et en particulier de la Sainte Messe, n'irait pas contre la tradition de l'Eglise : En effet, dans notre Eglise Orientale, à côté de la Liturgie de Saint Jean Chrysos­tome, nous nous servons des Liturgies de l'Apôtre Jacques et de Saint Basile le Grand. Il faut seulement que cette nouvelle rédaction ne soit pas de quelque manière improvisée mais qu'elle s'en tienne clairement à une authentique tradition de l'Eglise : tradition gallicane pour la France, une autre pour d'autres peuples, sans exclure la tradition romaine, avec des rectifica­tions.

Il ne faut pas non plus négliger le désir de certains (on m'a écrit à ce sujet) d'avoir à Paris notre liturgie habi­tuelle, orientale ou russe, en langue française. C'est, dit-on, indispensable, non pas tellement pour les français, mais pour les émigrés eux-mêmes et surtout pour la Jeunesse qui oublie peu à peu la langue russe, et comprends encore bien moins le slavon.

Tout cela nous amène à cette pensée, que d'ailleurs vous aussi avez exprimée, qu'il serait désirable d'avoir à Paris une église distincte de l'église orthodoxe occidentale actuel­lement existante. Cette église devrait être appelle "église de mission", ou "de confrérie", ou encore autrement, mais ce qui importe c'est que, dans une telle église, nous pourrions, sans gêner nos frères orthodoxes occidentaux et sans les char­ger de nouvelles tâches, introduire, lorsque nous le jugerons nécessaire, la liturgie occidentale dans sa nouvelle rédaction et la liturgie orientale en français. Mais dans quelle mesure peut-on réaliser l'idée d'une telle Eglise ?

A cette occasion Je désire vous rappeller ceci : N'essayons en rien d'influencer qui que ce soit pour faire accepter notre rite occidental, dans quelque rédaction que ce soit, afin de laisser le choix aux convertis eux-mêmes. [...]

 

1 Le Patriarche fait référence au rite romain "orthodoxisé" accepté par le Métropolite Eleuthère en 1938 lors du passage à l'Orthodoxie des communautés de Mgr Winnaert.

 

SOURCE