Jeudi Saint

 

 

Jeudi Saint 1954
 
D’après des notes de fidèles.
 
Is 50, 4-7 ; Jn 13, 1 à Jn 17, 26
 
Ces mystères nous dépassent, et quand nous comprenons, les exposer, en parler, nous dépasse aussi... Le banquet céleste... L'amitié entre Dieu et les hommes... A ce banquet empli de la lumière du Christ, à ce banquet mystérieux dans la chambre haute, Jésus dévoile la vie intime de Dieu, annonce l'Esprit-Saint de vérité.
Un des membres du banquet est Judas ; il trahit le Christ, il n'est pourtant pas repoussé par Lui. Regardez notre Seigneur : Il n'est pas troublé, Il ne dénonce pas l'amitié ; dans quelques instants, quelques heures, Il sera seul : Judas aura trahi, livré son maître ; Pierre l'aura renié ; les apôtres seront partis ; pourtant Il noue l'amitié avec ses apôtres Il donne Son Corps et Son Sang.
Aujourd'hui, ces mots de l'Evangile m'ont frappé : Le Christ donne le morceau trempé à Judas et le diable entre en lui. Le Christ permet au diable d'entrer en Judas. Comment cela peut-il être ? Pourquoi ? Parce que le Christ est le libérateur. Il n'est pas de vrai amour sans le respect total de l'ami. Le Christ fait confiance à ses amis, Il donne la liberté à tous, aussi bien à ceux qui vont trahir. Combien cet amour ressemble peu au nôtre ! Aucune possession, rien d'autoritaire ; Il libère même celui qui va s'enfoncer, soulagé parce qu'il a reçu la permission de Jésus, dans ses ténèbres ; il était encore partagé entre l'envie de rester et l'envie de trahir, il se mêlait encore aux autres disciples ; mais il reçoit la permission d'aller vers son destin et il s'enfonce dans son élément, la nuit.
Le Christ lave les pieds à tous. Pierre résiste. Malheureuse résistance ! Cet emballement amènera Pierre à renier ; il ne veut pas que son Seigneur s'humilie ; non, il refuse de voir l'humiliation divine, il ne peut pas la supporter ; malheureux amour trop ardent, compréhensible, mais qui entraine la lâcheté qui suit le soir même.
Mes amis, laissez Notre Seigneur vous laver les pieds ; acceptez qu'il descende vers vous, qu'il boive la coupe des immondices de votre âme. Courbez votre tête, non devant la majesté divine qui vous échappe, mais devant l'humiliation divine. Nous fêtons un Dieu Qui se prosterne à nos pieds, Qui boit ce que le monde regarde avec dégoût, le calice immonde. Il s'humilie pour nous racheter, nous exalter. Il nous veut librement. Les anges sont dans l'étonnement, la terre tremble, le cœur humain ne sait plus, il se tait, dérouté, conquis. N'acceptant pas l'humiliation de Dieu, protestant, il vient, il s'attache à Lui pourtant, car c'est Lui, notre seul et unique Ami, Lui, co-éternel au Père et au Paraclet, à Lui la gloire et l'honneur dans les siècles des siècles. Amen.