Traduction de la version originale : « Blagovestnik », San Francisco 1964
Notre cher frère évêque Jean,
Depuis ton enfance, tu fus attiré par l'Eglise, recevant la semence de la foi, durant ta jeunesse dans ta patrie. Après que les malheurs eurent atteint celle-ci, lorsque tu arrivas dans ce pays, où dès les premiers temps fut prêché le christianisme par les successeurs les plus proches des saints Apôtres, mais dans lequel, cependant, au cours des siècles, la pure foi du Christ transmise par les Apôtres fut assombrie par des raisonnements humains, ton esprit s'embrasa et tu voulus que la foi orthodoxe illuminât de nouveau cette contrée. Tu rencontras alors un écho dans de nombreuses âmes qui ressentaient que la foi confessée par elles n'était pas en accord total avec la vérité évangélique. Brûlant de l'aspiration d'atteindre le plus complètement et le plus rapidement possible le but que tu avais conçu, tu te consacras à cette oeuvre, de toutes tes forces, tu te précipitas sans te retourner, comme cela se produit dans de tels cas, et tu commis bien des erreurs.
Mais le Seigneur bénit ta bonne entreprise, et nombreux sont ceux qui par toi connurent la vérité et entrèrent dans la voie de sa confession. L'importance d'un troupeau sans cesse croissant – des enfants de l'ancienne Gaule, la France actuelle, qui reviennent à l'Orthodoxie, a rendu nécessaire de nommer un évêque à sa tête. L'amour de tes enfants spirituels t'appelle maintenant au ministère épiscopal.
Avec tremblement, mais aussi avec espoir dans le Seigneur, « qui guérit les faiblesses et supplée aux déficiences », reçois maintenant ce ministère. Dans l'exercice de celui-ci ne compte pas exagérément sur tes forces et sur tes connaissances, mais suis les conseils des hiérarques plus anciens et plus expérimentés. Prêche la vérité et efforce-toi de la répandre chez ceux qui ne l'ont point encore connue. Mais ce faisant, agis avec circonspection, afin qu'en en amenant certains à la vérité, tu n'en repousses pas les autres.
Malheureusement, nombre de nos compatriotes, étant de bons enfant, de l'Eglise Orthodoxe, ne peuvent pas toujours différencier l'essence de la doctrine orthodoxe de ses manifestations sous telle ou telle forme, dépendant des conditions locales et du caractère du peuple concerné. Tu devras rencontrer de l'incompréhension et de l'adversité chez des hommes pieux et agissant non par mauvais desseins, mais par incompréhension. Sois courageux. Supporte toutes les afflictions et n'en aie point peur. Sois bienveillant envers ceux qui te feront obstacle, efforce-toi, là où cela est possible, de ne pas être cause de scandale et de ne pas induire en tentation, afin que ceux qui s'opposent à toi parviennent à la connaissance de la vérité. Car le Seigneur veut le salut de tous.
En prêchant aux autres, n'oublie pas de t'édifier toi-même et d'accomplir tout ce que tu prêches aux autres, enseignant et agissant comme nous l'ont montré les saints Pères et les ascètes. Souviens-toi des promesses que tu as données et observe l'obéissance envers le pouvoir ecclésial dont tu dépends. Souviens-toi que chaque parole dite en secret est entendue de Dieu. Ne délaisse jamais la prière pour une œuvre te semblant plus importante. L'action sans la prière est comme un arbre sans humidité. Garde fermement les traditions et les enseignements des saints Pères. Invoque à ton aide les saints du pays dans lequel tu prêches : S. Martin, sainte Geneviève, les saints Germain de Paris et d'Auxerre, et les successeurs immédiats des saints apôtres, les saints hiéromartyrs Denis l'Aréopagite, qui souffrit et repose dans le lieu où se déroulera ton ministère et Irénée de Lyon, qui reçut l'enseignement de la foi orthodoxe de Polycarpe, disciple du saint apôtre Jean le Théologien, et place-toi sous leur protection.
De même, n'oublie pas les saints et ascètes de la Terre Russe, dont tu entendis les noms dès ton enfance, prie-les afin qu'ils t'aident. Aie toujours en esprit devant toi ton protecteur saint Jean de Cronstadt, ainsi que le métropolite Antoine[1] qui fut semblable aux hiérarques des temps anciens, et dans les cas difficiles, demande-toi ce qu'ils auraient fait dans une telle situation. Maintenant, reçois ce bâton pastoral et mène tes ouailles non à travers la Mer Rouge, mais la mer noire du péché, jusqu'à la terre promise, la Jérusalem et la Sion d'En haut, Vous, pères, pasteurs et enfants de l'Eglise française, recevez votre nouvel évêque et obéissez-lui.