Mardi Saint

 

Mardi Saint 1954
 
D’après des notes de fidèles.
 
Mt 25/1-30
 
Dans la profondeur, dans la nuit de nos épreuves, on voit la paix, la lumière, arriver comme un voleur, telle l'époux que l'on n'attendait plus. Sachons veiller avec les vierges sages, au moment où tout est opaque, la nuit est sombre, on ne voit plus rien, la mort est là, tout est sans issue ; si nous avons su veiller, vigilants, alors au moment où les portes sont fermées, retentit la voix de l’Époux ; alors le serviteur vigilant va à sa rencontre, alors les vierges sages entrent dans la salle des noces.
Je pense en ce moment à ces paroles étranges du Christ que j'ai lues ce matin : Vous ferez les mêmes œuvres que Moi, et vous en ferez même de plus grandes. Des œuvres plus grandes que marcher sur les eaux ? Des œuvres plus grandes que ressusciter des morts ? Quelles paroles étonnantes ! quelles œuvres plus grandes que le Christ pourrions-nous faire ?
Eh bien, ces œuvres étonnantes, c'est, mes amis, de veiller pendant la nuit dans les ténèbres, de rester comme le serviteur vigilant d'attendre avec les vierges sages, ayant assez d'huile dans nos lampes ; oui, considérons-nous comme des serviteurs inutiles, sentons-nous écrasés, mais restons sur place, quand même, attentifs. Sans espoir, avec pourtant de l'huile dans nos lampes. Alors, la chambre nuptiale s'ouvrira au fond de la nuit, car pour l'homme qui attend dans les ténèbres, la lumière viendra un jour, et la lumière sera reçue dans les ténèbres... Voilà l'œuvre plus grande que la Résurrection... Voilà l'œuvre sublime que le serviteur du Christ peut accomplir et doit accomplir.
Mais les vierges folles qui attendaient aussi, sont trouvées sans huile ; elles sont arrivées en retard au banquet et elles ont trouvé la porte fermée. Nous aussi, nous attendons, mais nous ne veillons pas, et l'Epoux vient car Il vient à chaque instant, mais nous ne le remarquons pas car nous ne sommes pas là : nous sommes partis pour acheter de l'huile, nous sommes ces serviteurs assoupis, appesantis par le sommeil, agités, monologuant avec nos âmes, distraits, non réveillés, dispersés... Ah, qu'il ne vienne pas au moment où nous sommes ainsi appesantis ! Il peut venir aujourd'hui même pour vous, comme Il peut venir demain.
Seigneur Jésus-Christ, fais-nous vigilants, afin que, lorsque Tu frapperas à la porte. Tu nous trouves serviteur vigilant et vierge sage ! Marie a écouté, et elle est devenue Mère de Dieu ! Ouvre l'oreille de notre cœur pour guetter à chaque instant Ta venue. Ah, mes amis, quand Il vient à nous en cachette, non avec gloire, quand il ouvre la chambre nuptiale de notre âme, la joie est ineffable, tellement douce qu'on ne peut plus que pleurer de joie. À ces moments-là, toutes les questions demeurent derrière la porte... On souhaite mourir afin de ne jamais être détachés de cette joie ineffable. Heureusement pour notre existence terrestre, ces visites s'arrêtent et nous revenons vers des lieux qui n'ont pas cette joie, et nous devons encore une fois aller par la vie comme le serviteur vigilant, attendant le jour où tout sera fini, ou la foi, l'espérance, la connaissance seront consommées, où seule demeurera la joie sublime de la communion avec Dieu, l'amour sans ombres, où notre vie se confondra avec la Vie Divine. Amen.
 
Père Eugraph. Mardi Saint 1954