Le Prophétisme

 

 

Extraits sur le Prophétisme principalement issus du cours "Le Prophète Ézéchiel et le Prophétisme".

 

Introduction :

[...]Si nous approchons des Prophètes, oublions absolument les êtres travaillant dans les bibliothèques, à la recherche de manuscrits ou méditant quelque part en un coin tranquille. Ce sont des créatures exceptionnelles, des phénomènes originaux, mus par l’Esprit et la Parole qui les bousculent : Va à droite, va à gauche ! Lorsque la Parole transperce le prophète, lorsque l’Esprit s’en empare, le voici bouleversé. Considérons plutôt : Isaïe reçoit sa mission sous forme d’un charbon ardent sur ses lèvres, Ezéchiel mange la Parole, la digère, Jérémie compare la parole de Dieu au feu.
Dieu attrape soudainement les prophètes, ils Lui résistent : Je ne veux pas, je ne veux pas ! Laisse-moi dans la paix, Seigneur ! Laisse-moi vivre ma petite vie, pourquoi m’envoies-Tu ? C’est une dispute avec Dieu. Je ne puis dire ce que Tu m’ordonnes. Tes paroles ne correspondent nullement à la situation d’un peuple émigré, découragé — il est vrai qu’ils prédisent parfois la catastrophe. Ils supplient, protestent mais soudain, Dieu chante magnifiquement : Vous serez ressuscités ![...]
 

Chapitre 1

[...]Le prophète décrit tel qu’il est, afin de bien montrer que ce qui va se passer n’est pas une supra-structure de sa pensée, un état d’âme ou une projection de son imagination, mais la violation de sa personnalité psychique par le choc de la Révélation, une irruption en son être de « faits » étrangers à son existence « normale ». Cette mentalité spirituelle objective diffère de celle de certains hommes qui glissent dans la non objectivité tant ils consi­dèrent leurs propres expériences et réflexions rationnelles comme totale­ment objectives. Leurs hypothèses, leurs conceptions du monde qu’ils cons­truisent ne sont souvent que subjectives. La personne du vrai prophète et du vrai chrétien est humble, elle enregistre, elle s’incline devant quelque chose qui n’est pas elle, qui la transcende et qu’elle ne comprend même pas. L’objectivité en soi, qu’elle réside dans la nature, la vie, la pensée ou la Révélation, est une démarche s’efforçant d’accepter ce qui n’appartient pas au jugement, à l’appréciation et à la sympathie subjectives. Car, inconsciem­ment, on s’écarte de l’expérience qui heurte ou déconcerte, on désire rejoin­dre dans l’expérience ou dans la pensée ce qui correspond à notre mentalité et qui nous flatte.[...] Lire la suite

 

Chapitre 1 - 2e extrait

Essayons de nous substituer au visionnaire.
Nous nous trouvons dans une chambre, nous-élevons notre regard en priant et, soudain, le plafond se soulève, disparait ; quelque chose d’indicible se manifeste, ni projection intellectuelle, ni émotion intérieure : phénomène que nos yeux physiques voient évoluer. Le plafond s’écarte. Pourtant, il ne s’effrite pas, il demeure intact et nous percevons que ce qui s’ouvre est infiniment plus haut que lui. Nous pénétrons alors cette vision, le Saint Esprit s’empare de nous et nous transporte sur le plan spirituel. Il nous monte, nous monte, nous projette vers le haut ... non au-delà des toits de Paris, ni dans le ciel étoilé ou dans la stratosphère, il nous enlève vers une hauteur d’une autre dimension. L’univers à trois dimensions est crevé. C’est la raison qui fait que le prophète insiste et précise : « J’étais au milieu des déportés, an bord du fleuve Kébar ».
Nous restons sur place. Le paysage matériel qui est le nôtre ne s’est pas dissipé mais n’est plus enclos en lui-même : sa croûte, son firmament, sa circonférence bâillent. L’univers existant, celui que nous connaissions, devient un point de départ, une branche sur les vagues d’un océan.

 

 

Chapitre 7 - extrait

[...]C'est si pénible d'être prophète. Et Jonas qui refuse de partir, qui lutte, mais la Main du Seigneur lorsqu'elle s'abaisse sur nous est comme un fardeau, lourde à porter. Le destin des prophètes est dépourvu de repos. Sans doute, Moïse n'a pas été persécuté, incompris seulement de son peuple ingrat, mais les autres. Zacharie est humilié et trahi, Elie calomnié doit s'enfuir, Isaïe maltraité se rend en Egypte, le roi d'Israël le réclame, on l'extrade, il est exécuté, Amos est traité d'espion, Ezéchiel de collabora­teur, Jérémie est envoyé « contre tous ». (40 ans de prophétie, 20 ans de prison). Ils sont isolés, maltraités, accusés de « vendus, d'ennemis du peuple », torturés.

La persécution d'Ezéchiel

Quel sera l'aspect de la persécution d’Ezéchiel ?

Cependant que les autres prophètes sont poursuivis par les rois, les nobles, les personnalités au pouvoir, qu'ils sont traînés en justice, tour­mentés parfois par les prêtres, recevant des gifles et tissant progressi­vement le Vendredi Saint car toute la vie du Christ est inscrite dès l'An­cien Testament, — l'homme de douleur d'Isaïe côtoie l'espérance de la Résurrection, les cieux nouveaux et la terre nouvelle — Ezéchiel, lui, n'est pas attaqué par les grands, il ne connaît pas ce privilège car il vit en période de captivité et sa situation est difficile, autrement. Il est méprisé par ce que nous pourrions nommer : la sagesse moyenne que l'on qualifie de « bon sens », par ses propres et malheureux compatriotes, les gens quelconques de son entourage. C’est souvent plus redoutable que des inquisitions ou des régimes totalitaires. L'opinion des petites gens, des tenants de petites habitudes, des craignants ce qui bouleverse, voilà ce qui empoisonna la vie d'Ezéchiel... Mes amis, les tyrannies vous jettent en prison, vous pendent, vous salissent mais la persécution du « lieu commun » est le crime parfait, sans meurtre ni même grande méchanceté. Elle se glisse dans l'opinion publique. Soudain un être dont le monde n'est pas digne n'a plus le droit de respirer ; il est un peu mal­traité, un peu écarté, on dit de lui : C'est un escroc, un peu démon. Peut-être n'est-il pas tellement escroc — un criminel, certes, est plus intéressant — peut-être appuie-t-on sur « pas tellement » mais on pré­cise : Il est un peu « dingo », mais voyez-vous, j'ai des renseignements sur lui... il n'est pas tout à fait... Demi-ton, demies phrases et, tout à coup, cet être disparaît ! Tel est le sort du prophète Ezéchiel. C'est pourquoi la Main du Seigneur est pesante, le fardeau pesant.

Les prophètes sont seuls.

Elie, cette flamme dans toute la force du mot, se plaint : Je suis seul, Seigneur ! Que fait le Seigneur ? Il lui impose une marche solitaire de quarante jours, puis, devant son indignation, Se montre à son servi­teur : Il n'est point dans le vent, Il n'est pas dans le tremblement de terre, Il n'est pas dans le feu, Il est dans un murmure doux et subtil. Oh, soyons subtilement bons et doux, ayant vécu ce que vécut Elie! [...]  Lire plus
 

 

Chapitre 7 - 2e extrait

Les prophètes authentiques sont plus aisément accueillis des peuples lointains. Les plus têtus sont ceux qui devraient comprendre, en principe, les « siens » ; « Nul n'est prophète en son pays ». En général, les persécutions et les incompréhensions ne viennent pas tant des païens, des athées, des laïcs, des francs-maçons, des judéo-maçons, des théosophes... que des confrères ou des corréligionnaires. Saint Nectaire d'Egine, au vingtième siècle, ne fut pas méconnu des mahométans, mais de ses propres évêques, Jean Chrysostome jugé par ses co-évêques. Ce durcissement qui repousse la prophétie est un élément dont il faut tenir compte dans toute vie spi­rituelle. Le Christ s'émerveille de la foi d'un centurion, cette foi qu'il n'a point trouvée en Israël ! (Autant de difficultés surgissent pour un pro­phète ou un prédicateur modernes) Dieu avertit et re-avertit son malheu­reux serviteur : « Voici que J'ai rendu ton visage dur à l'instar de leur visage et ton front dur à l'instar de leur front. J'ai rendu ton front pareil au diamant, plus dur que le caillou. Tu ne les craindras pas et tu ne t'ef­frayeras pas à cause d'eux, car ils sont une maison de rébellion » (III ; 8, 9).
En conclusion, Ezéchiel nous à décrit l'irruption de la liturgie céleste sur le plan historique avec toute la douleur que cela provoque, la crainte et le trouble du prophète devant la mission ordonnée par Dieu en raison de l'incompréhension et de la persécution auxquelles il se heurtera nécessai­rement, et la présence non seulement du Saint-Esprit et de la Parole qui est le Verbe mais l'accomplissement d'un acte sacramentel lui donnant la force et la possibilité de prophétiser.
Plus tard, nous rencontrerons après la douleur et les accusations, la vision de la résurrection et du renouveau... comme toujours lorsque Dieu parle et agit.

 

Chapitre 8

Nous débouchons, à présent, sur les prophéties proprement dites. Le mot « prophète » évoque immédiatement un homme qui parle ou plutôt qui transmet la parole de Dieu, (raison pour laquelle des pasteurs pensent qu'ils sont prophètes parce qu'ils font des sermons d'une heure). Les politi­ciens, les directeurs d'âmes, savent parler trois ou quatre heures, parfois plus ; eux, les prophètes ne font pas que parler ; les oracles d'Ezéchiel débutent par le théâtre, le jeu, les actes. Suivant la vision céleste, après l'avoir « assommé » de Sa main puissante qui se pose sur lui, Dieu dit : Tu parleras mais personne ne t'écoutera, n’espère pas un succès facile, puis Il le plonge en des actions symboliques.

Etrange est cette attitude : prêcher en paroles et en gestes ; aussi passera t-elle au travers de tous les prophètes jusqu'à ceux de nos jours que nous appelons « fous en Christ ».

Nous avons déjà dit que l'initiation prophétique est un sacrement : l’un mange le rouleau, l'autre reçoit un charbon ardent sur les lèvres ; ici, dans le cas d'Ezéchiel, la prophétie s’accomplira par des gestes symboliques. Et voici, c’est la base sacrale de toute science, car la base authentique du théâtre n’a nullement comme but de distraire les spectateurs mais de les enseigner au moyen de gestes qui forment, enveloppent les paroles, intime liaison où comme dans la liturgie, le prêtre énonce et agit simultanément, mais chez les prophètes s'ajoutent l'inattendu, l'étrangeté !

 

 

Chapitre 8 - 2e extrait

Les [faux] prophètes ressemblent à ces journalistes qui préfèrent annoncer la paix quand elle n'aura pas lieu — c'est le cas ici — ou des destructions et des catastrophes alors que pointe la restauration. Il ne faut pas croire que les faux prophètes sont faux parce qu'ils prédisent des choses bonnes, mais il est évident que le faux prophétisme consiste à plaire aux hommes plutôt qu'à Dieu. Ezéchiel précise — et c'est particulièrement intéressant qu'ils prophétisent de leur « propre initiative » ; la traduction, d'ailleurs, n'est pas tout à fait exacte, il faut lire : de leur cœur, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas tant des menteurs superficiels, désireux de prophétiser pour récol­ter de l'argent et satisfaire l'opinion publique, que des hommes « selon leur cœur » et non selon Dieu. Là réside la distinction entre la vision divine et l'inspiration humaine. Et, à notre époque, il serait utile de se rappeler que les gens confondent très souvent leur intuition télépathique intérieure, je ne sais quoi de personnel, avec l'inspiration divine... cela fait deux ! Au nom du Seigneur Adonaï, on projette uniquement son intuition, en grande partie non juste puisque inévitablement incomplète ; incomplète parce qu'elle doit être purifiée ou saisie par l'Esprit, et souvent en contradiction avec les propres idées de celui qui prophétise. Plongez-vous dans votre inté­rieur, vous y discernerez l'âme et l'esprit, le psychisme auprès de l'esprit. Que de fois alors constaterez-vous, psychiquement, la contradiction ! Il vous semble parfois que tout va bien ? entrez en vous-même et vous décou­vrirez soudain une violente tension ; par contre, vous êtes inquiet, angoissé ? pénétrez intérieurement dans votre esprit où règne Dieu et l'opposé se produit : Réjouissez-vous ! vous est-il dit. Lire la suite

 

Homélie du 17 juillet 1955
[...] Le critère des prophètes, des doctrines, ce sont leurs fruits. Mais ne vous hâtez pas de juger, car les fruits ne viennent pas toujours immédiatement. Regardez l’histoire de l’humanité : beaucoup de doctrines sont venues avec l’aspect de renouveler le monde et puis le temps a passé, ces doctrines aussi. Celles qui avaient l’apparence de porter des fruits et des feuilles ne portaient que des épines.
Il nous est très difficile de juger en nous et autour de nous ; en nous : combien d’idées se promènent en notre âme, combien de sentiments, de réactions ! Détachez-vous de ces pensées et écoutez, attendez le moment où les fruits se manifesteront ; vérifiez-vous ; laissez les idées prouver elles-mêmes ce qu’elles sont. Beaucoup qui paraissaient nobles, portent des fruits amers. Ne vous pressez ni de voter pour, ni de repousser, ni de mépriser, ni de communier. Vous êtes les disciples du Verbe par qui tout a été fait, et rien n’a été fait sans Lui.
Tel est le commencement de la sagesse du Christ, du catéchisme du Christ. À Lui soit la gloire dans les siècles des siècles.
Amen.