Homélie du 19 novembre 1967 - premier dimanche de l’Avent

 

Homélie disponible dans le CD n°1 : homélies de l'Avent et de la Théophanie

 

Épître : Ja 5, 7-11 ; Évangile : Mt 24, 1-14

 

Vous avez entendu le nom de saint Gélase, pape de Rome[1], qui nous a laissé beaucoup de prières pour la divine liturgie et une de ces prières était lue tout à fait par hasard aujourd’hui, celle de l’Avent que vous avez entendue au commencement de la liturgie. Le pape Gélase était aussi un grand défenseur de l’Épiclèse, et il disait, celui qui n’invoque pas l’Esprit-Saint pour consacrer les dons, fait un sacrilège.

 

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Plusieurs dimanches déjà, le 24ème, le dernier dimanche de l’année, le premier dimanche de l’Avent, et le troisième dimanche de l’Avent, l’Église nous propose des évangiles sur la fin des temps. Le dimanche prochain, nous allons provisoirement abandonner cette attente du deuxième avènement, et avec Jean Baptiste et Marie, nous allons viser notre regard intérieur uniquement vers la première venue du Christ, son incarnation. Dans ces évangiles qui parlent de tant de troubles, et je vais m’arrêter aujourd’hui sur un des aspects qui peuvent vous échapper, au lieu de nous effrayer, le Christ dit, « soyez dans la joie parce que votre rédemption est proche, relevez votre tête »[2], et Paul aussi nous appelle à une certaine, plus que courage, presque de joie qui contredit, tout ce que racontent, est-ce les prophètes, est-ce les évangiles, est-ce les épîtres ou l’Apocalypse.

Vous voyez comme l’Esprit-Saint a d’autres pensées et d’autres attitudes, une autre mentalité que la mentalité ordinaire des êtres humains. Il nous décrit des tremblements de terre, des guerres fratricides, des troubles cosmiques ; tout est ébranlé, tout est mis en désordre, et dans l’Apocalypse, Il dira des gens de dehors, qu’ils vont crier « paix, paix, paix », mais la paix ne va pas venir ; les autres vont se cacher sous la terre, effrayés par les bombes ou d’autres événements aussi tragiques, et tout d’un coup, aussi bien les Prophètes, aussi bien les Apôtres, et aussi bien le Christ lui-même, dit « relevez votre tête, c’est bientôt, c’est l’été, pour vous c’est le printemps ».[3]

Est-ce indifférence pour toutes ces choses-là qui se passent dans le monde ? Est-ce que les chrétiens doivent tourner le dos à toutes ces épreuves aussi bien cosmiques, historiques, humaines ? Est-ce un appel à une attitude inhumaine ou philosophique d’une certaine divinité je ne sais pas quelle, égyptienne, qui regarde d’en haut, sans s’intéresser, sans vibrer à toutes les épreuves qui sont dans le monde et qui viendront en cours beaucoup plus fortement ? Nullement, Nullement !

Mais par cet appel, Il veut que, à travers toutes ces épreuves nous soyons déjà lucides pour voir notre rédemption, la venue du Christ, et la victoire de la Jérusalem céleste. Il veut que, à travers ces nuages, ce tonnerre, ces troubles, nous ayons ce regard pénétrant, et qui voit comme après la mort la résurrection, après les troubles du monde, la Résurrection Universelle. Ce n’est pas indifférence, c’est autre chose.

Car nous les chrétiens nous ne sommes pas abattus dans nos épreuves, et nous ne sommes pas indifférents pour les épreuves du monde. Mais nous sommes ainsi, nous pleurons avec ceux qui pleurent, nous sentons profondément comment le Christ a senti toute notre douleur, mais en même temps, spontanément, nous nous réjouissons déjà de la Résurrection. Et cette vision du deuxième avènement, comme en puissance, que nous ne pouvons pas agir ni avec indifférence, ni avec..., étant écrasés par les événements. Car « par la mort Il a vaincu la mort », et c’est par ce soubresaut – comme d’une mère qui attend un enfant –, de l’univers que nous accèderons à la naissance de l’homme nouveau et du monde nouveau.

Je veux attirer votre attention sur ces paroles aujourd’hui des évangiles. Dans les pages sur la fin des temps, on parle de guerres civiles, de famines, et aujourd’hui, en arrivant à un certain paroxysme, Il dit : « les puissances ou les vertus des cieux seront ébranlées[4] ». Ce n’est pas seulement des troubles humains, des tremblements de terre. Tout le système solaire, tous ces mondes innombrables seront bouleversés. La fin du monde, ce n’est pas la fin de la terre, c’est la fin de l’univers pour commencer un univers nouveau. C’est beaucoup plus vaste qu’on ne s’imagine, car l’expression « les cieux seront ébranlés », tout sera renversé pour réapparaître sous un aspect nouveau.

 Deuxième remarque, on dit que le Christ viendra sur les nuées, avec ses Saints et sa gloire. De quelles nuées parle-t-on, est-ce des nuées des nuages, mais si les cieux seront ébranlés, non. Vous devez connaître que le mot nuées, ou quand Il parle du feu, ou quand Il parle de trompettes, des angéliques, ce sont des mots qui expriment une autre catégorie. Il viendra sur cette nuée que déjà Ézéchiel et tous les prophètes ont vue, cette nuée qui a couvert les Apôtres quand ils étaient sur le mont Thabor, ce n’est pas la nuée ni physique ni cosmique, c’est une nuée spirituelle, c’est une manifestation théophanique de la divinité, de l’énergie divine. Car, et, avec ces paroles je termine aujourd’hui, quelle sera la chose la plus redoutable pour nous ? Est-ce les cieux qui seront ébranlés, est-ce les troubles ? Non. Dieu apparaîtra tel qu’Il est, dans son amour. Voilà pourquoi, pressons-nous d’être disponibles, d’être aimés par Dieu.

 

 


[1] Saint Gélase pape de 492 à 496.

[2] Cf. Ja 5, 8-9

[3] Cf. Jn 4, 35

[4] Mt 24, 29