Homélie du 26 janvier 1969 [1]

 

Ép : Eph 4, 1-7 ; Év : Jn 17, 11-25

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

Depuis longtemps on prie au mois de janvier pour l’unité, on fait des réunions, il y a une certaine part de bienveillance. Au commencement c’était un mouvement prophétique, il n’était pas du tout compris. Je connaissais une organisation, avec laquelle nous sommes liés depuis de longues années en Suisse, qui a commencé ce mouvement œcuménique de l’« union des Églises » en 1900, avant que naisse le grand mouvement universel. Quand cette communauté a commencé, personne ne la comprenait. Toutes les confessions existantes, protestantes, catholiques romaines, qui l’entouraient avaient une très grande méfiance, et elles disaient : vous n’êtes pas tout à fait des nôtres, vous êtes trop catholiques pour les protestants, trop protestants pour les catholiques. Et ce mouvement, avec une grande difficulté, même avec des calomnies, des incompréhensions, a continué à prier et à faire son œuvre. Après est arrivé un mouvement large avec de grandes personnalités de différents pays, surtout dans le monde protestant, poussées par une révélation divine, pour le rapprochement des chrétiens, ce que l’on a appelé le mouvement « œcuménique ». C’était la période, disons héroïque, car il a rencontré de grandes difficultés au cours de ces années. Maintenant le mouvement œcuménique est entré dans la phase, je ne dirais pas administrative, mais coutumière. On fait des réunions, on se réunit à droite à gauche, on fait de grands congrès, on tâche de parler ensemble plus ou moins fraternellement, on évite les questions difficiles qui nous hérissent. Ce mouvement continue : que Dieu le bénisse. Nous prierons tout particulièrement pour prendre conscience qu’elle est la pensée divine, qu’elle est la volonté du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Comment va-t-on réellement aller vers l’union ? L’apôtre Paul, ce génial apôtre Paul, inspiré, ce docteur incomparable, dans son épître aujourd’hui dit une petite phrase que peut-être vous n’avez pas remarquée ou qui a peut-être frappé vos oreilles. Il parle d’un seul baptême, d’un seul Dieu, d’un seul corps, d’une seule espérance, c’est l’unité de base ; et après il ajoute cette petite phrase : « un seul Dieu au-dessus de nous, parmi nous et en nous ». Sa pensée exacte, celle d’un homme inspiré, nous introduit dans la hiérarchie et dans les étapes de l’unité. Il ne dit pas que nous sommes unis et que nous devons travailler l’union de Dieu en nous, religion uniquement intérieure, il ne commence pas non plus par Dieu parmi nous, illusion sociale, ecclésiale ; il commence par Dieu au-dessus de nous, et après, parmi nous et après, en nous. Autrement dit pour que l’unité soit réelle, nous devons avant tout chercher l’unité en Dieu et dans Sa Révélation. C’est seulement quand il y a la recherche réelle de cette unité, c’est-à-dire la confession réelle de Dieu au-dessus de nous, qu’on peut et qu’on doit alors chercher l’unité parmi nous, ecclésialement parlant. C’est après seulement que l’on doit accepter que, dans l’Église, nous devons trouver Dieu en nous. Car si quelqu’un n’aime pas son frère, comment peut-il dire qu’il aime Dieu, et comment peut-il avoir Dieu en lui ?

Alors si l’apôtre Paul était parmi nous dans ces réunions, il dirait : laissez les problèmes sociaux, ecclésiaux, pour l’instant ; avant tout, ayez la seule espérance dans cette ardeur de l’âme, recherchez l’unité dans la vérité, l’unité en Dieu, dans le Fils et le Saint-Esprit. Avant tout, élevons nos cœurs et ne cherchons pas Dieu parmi nous, avant de Le trouver au-dessus de nous. Comme saint Didyme disait à juste titre : si Dieu est le centre et que nous soyons sur le cercle périphérique, c’est en s’approchant par les rayons vers le centre que nous nous approcherons l’un de l’autre, mais non en voulant s’approcher sans vouloir aller vers le centre, vers ce qui transcende, vers ce qui dépasse notre sentiment, notre comportement. Tel est le problème du monde actuel. Pour voir clair, pour être ensemble, on doit aimer Dieu par-dessus tout. Il n’y a pas d’unité sans charité ; il y a deux commandements : « aime ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée… et ton prochain comme toi-même[2] ». Le Christ dit bien : « aimez votre prochain comme Je vous ai aimés », c’est-à-dire en sacrifiant sa vie pour son prochain, car « il n’y a pas de plus grand amour que celui qui donne sa vie pour son prochain[3] » Mais ces deux commandements ne peuvent être vraiment vécus et réalisés que parce qu’il y a une troisième chose : l’amour de Dieu pour nous. C’est l’amour de Dieu pour nous :, être dans un état d’émerveillement, de silence – les mots me manquent – devant cet amour de Dieu Qui nous a tant aimé en nous donnant son Fils. Alors, dans cette semaine de l’union, dépassons notre entreprise humaine et de tout notre cœur cherchons avant tout Dieu qui est au-dessus de nous. Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, c’est en Lui qu’est notre unité, notre amour et notre salut. Amen.

 


[1] D’après la retranscription d’un enregistrement audio.

[2] Mt 22, 37-39

[3] Cf. Jn 15, 12-14