Orologion (Office Divin)

 

Texte issu de la commission liturgique de 1968 présidée par Mgr Jean de Saint-Denis présentée au patriarcat roumain.

 

Le livre des Heures (Orologion) occidental, de même qu’en Orient, contient 8 services quotidiens (4 services nocturnes, 4 services diurnes). Sa composition très ancienne (vraisemblablement fin IVe - début du Ve siècle) se forma sous l’influence des Pères de l’Égypte. Nous disons « composition », car déjà l’Écriture Sainte fait allusion aux sept prières journalières (voir ps. 118, Actes des Apôtres etc.). la huitième heure, « Prime », s’ajouta ultérieurement. Indiquons les concordances et les divergences entre les deux Orologion.

Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies sont presque identiques et portent les mêmes noms. Mais les deux Heures qui restent, portent les noms suivants : en Orient, office dit de « Minuit » et office des « Matines » ; en Occident, office des « Nocturnes » appelé aussi Matines ou Ténèbres) et office des « Laudes ». La structure de ces derniers offices occidentaux, considérés dans leur ensemble, rappelle les Matines orientales : Les Nocturnes occidentales (Matines, Ténèbres) sont parallèles à la première partie des Matines orientales du début jusqu’au « Canon » ; les Laudes occidentales sont parallèles à la deuxième partie des Matines orientales (le Canon, les Psaumes laudiques, la Grande Doxologie ou Benedictus, etc.). Il est indispensable de connaître cette particularité, car en Occident les Matines (appelées Nocturnes) et les Laudes sont nettement séparées. Ainsi, les messes de Minuit de Noël et de Pâques sont précédées des Nocturnes, et celles du matin sont précédées des Laudes.

Prières initiales et finales : ouvre chaque service des Heures par la triple adoration du Seigneur : « Venez, adorons et prosternons-nous devant le Christ-Roi… » L’Occident se sert de la formule des Pères du désert : « Ô Dieu, viens à mon aide ! Hâte-Toi, Seigneur, de me secourir ! Gloire au Père, etc. » Il fait exception pour les Matines dont le début rejoint les six psaumes Matinaux d’Orient : « Ô Dieu, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera Ta louange ! »

La clôture orientale du service est « Gloire à Toi, notre Dieu, gloire à Toi… Gloire au Père et au Fils… Le Christ notre Vrai Dieu… Amen ». La clôture occidentale est : « Bénissons le Seigneur. Rendons grâces à Dieu. Que les âmes des fidèles défunts… Que le Seigneur nous donne Sa paix et la vie éternelle. Amen ! »

L’Orient achève la doxologie : « … maintenant et toujours et aux siècles des siècles ». L’Occident ajoute : « … comme il était au commencement, maintenant et toujours et aux siècles des siècles ».

Psalmodie : le Psaume, en Occident, est en général encadré d’une antienne, petite composition tirée soit du psaume lui-même, soit d’un passage de l’Écriture, soit d’un passage patristique. L’antienne plus ornée musicalement que le psaume, exprime le sens de la fête, et sa mélodie détermine le « ton » sur lequel doit être chanté le psaume. Ainsi, le psaume 2 – chanté à Noël et au Jeudi saint –, se colore de deux façons différentes : à Noël, on chante l’antienne : « Le Seigneur M’a dit Tu es Mon Fils, Je T’ai engendré aujourd’hui » dont la mélodie a un caractère joyeux (v.7) ; le Jeudi Saint, on chante l’antienne : « Les rois de la terre se soulèvent et les princes de liguent avec eux contre le Seigneur et contre son Christ » (v.2) dont la mélodie a un caractère tragique.

En Orient, le psaume n’est pas généralement encadré d’antienne, lorsque cela se produit, l’antienne revient à la manière d’un refrain sans relation particulière avec la fête : par exemple, le chant solennel du Psaume Cosmique (103, 104) est rythmé par les refrains : « Tu as tout créé par Ta Sagesse, et Tes œuvres sont admirables, Seigneur ». Il en est de même pour le premier cathisme festial, entrecoupé « d’Alléluia ! », et du Psaume Lucernaire où après chaque verset s’intercale : « Écoute-moi, Seigneur ».

L’Orient, par contre, connaît le psaume entre les derniers versets duquel sont intercalés des stichères. Cette forme très riche de possibilité « enseignante » dans le cas où les stichères sont exécutés avec canonarque, n’existe pas dans le rite occidental romain actuel. Toutefois il est fort possible qu’elle ait été pratiquée dans l’ancien rite des Gaules. L’Église catholique orthodoxe de France l’utilise comme enrichissement légitime du rite occidental, en permettant à ses fidèles – tout en restant dans les structures occidentales –, de profiter des compositions de grands poètes syriens et byzantins de la période d’or de la liturgie chrétienne (comme saint Jean Damascène et saint Cosme de Mayoun, saint Éphrem le Syrien, saint Roman le Mélode et d’autres).

Les Trois Cantiques Évangéliques : l’Occident les chante ainsi : aux Vêpres le Magnificat ; aux Complies le Nunc Dimittis ; aux Laudes le Benedictus.

En Orient, le Nunc Dimittis est placé aux Vêpres ; le Benedictus et le Magnificat sont placés aux Matines (pratiquement le Benedictus est omis, bien qu’imprimé dans les livres). Certains théologiens orthodoxes émigrés nous ont accusés de « fantaisie » pour avoir introduit le Magnificat aux Vêpres… Cette « fantaisie » remonte au temps de saint Benoît et se retrouve dans tous les livres liturgiques d’Occident ! Ô sainte ignorance…

Les huit services occidentaux possèdent des leçons longues ou brèves ; les brèves sont appelées « Capitules » (du latin : chef, chapitre) ; les longues sont des passages de l’Ancien Testament ou d’écrits patristiques.

Les prières ou « collectes » de prime, tierce, sexte, none, sont invariables en Orient. En Occident, elles changent suivant les périodes de l’année et les fêtes. L’Orient manifeste la fête par des tropaires, des kondakions et des stichères ; l’Occident la confesse – en plus des collectes variables – par les hymnes, les antiennes, les capitules et les répons.

Enfin, si la structure de l’Office Divin – c’est-à-dire des huit services quotidiens –est semblable dans sa forme générale en Orient et en Occident, l’architecture intérieure se modèle différemment. Ne citons qu’un seul exemple, celui des vêpres : l’Orient, après la psalmodie (ou cathisme) inscrit le psaume lucernaire avec les stichères, l’hymne (phos hilarion), la leçon (paremie), et finit par le nunc dimittis ; l’Occident, après la psalmodie, inscrit la leçon, l’hymne, le psaume lucernaire avec strophes (stichères) et finit par le Magnificat.

Nous espérons que ces quelques indications permettront d’éclairer la distinction dans l’unité des traditions. Nous ne pouvons, en ce rapport, examiner tous les détails. Qu’il nous suffise d’avoir montré la vénérable antiquité de la tradition d’Occident, qui bien que moins riche comme contenu verbal que celle d’Orient (lacune facilement réparable par des emprunts aux textes byzantins), lui est souvent supérieure par sa forme plus claire et plus concise.