Historique de la restauration du rite des Gaules

dans l'Orthodoxie

 

Extrait de la commission liturgique de 1968 présidée par l’évêque Jean de Saint-Denis publié aux éditions de Forgeville n°9.

 

Les « Lettres de saint Germain » sont traduites en russe. A. Katansky, en 1869, fait paraître « L’Histoire de l’ancienne liturgie occidentale ». Récemment, le Professeur d’Athènes, Trembelan écrit une étude sur la liturgie gallicane-mozarabe, article sérieux mais incomplet. Ouspensky, de l’Académie de Leningrad, se pose la question du rite des Gaules dans le « Journal du patriarcat de Moscou ».

Mais la restauration du rite des Gaules est réalisée par W. Guettée, premier en date. En 1874, dans sa revue « Unité chrétienne », il publie la messe des Gaules et, la même année, la célèbre avec la bénédiction du Saint Synode, dans l’église de l’Académie théologique de Saint-Pétersbourg.

En 1925 est créée la Commission française, sous la présidence de l’archiprêtre Sakharoff, avec la bénédiction du Métropolite Euloge ; un des membres de cette Commission deviendra Monseigneur Jean de Saint-Denis. Cette commission élabore le texte de la liturgie des Gaules, se basant sur ceux de W. Guettée et divers documents. En 1929, cette liturgie est célébrée par le R.P. Lev Gillet dans la chapelle de la Confrérie Saint-Photius, à Saint-Cloud. En 1936 Monseigneur Irénée Winnaert en sa supplique à sa Béatitude Serge de Moscou exprime son désir de restauration du rite des Gaules et, en 1939, Serge de Moscou dans une lettre à la Confrérie Saint-Photius, conseille « d’entreprendre le travail approfondi de la liturgie occidentale selon la tradition gallicane ». Le « Centre saint Irénée », dirigé par le père Eugraph Kovalevsky, l’entreprend immédiatement et ne cesse de continuer, aidé par l’Institut Saint-Denys, fondé après la guerre. Il fait appel à des spécialistes tels que Dom Lambert Beauduin, patriarche du renouveau liturgique en Occident, et l’Archimandrite Alexis van der Mensbrugghe et, enfin, dès 1944, cette liturgie est célébrée régulièrement dans l’Église catholique orthodoxe de France.

En 1956, paraît l’édition de « La sainte messe selon l’ancien rite des Gaules[1] », ou « Liturgie selon saint Germain de Paris ». L’archiprêtre E. Kovalevsky y répond aux questions suivantes :

  1. ST GERMAIN, PATRON DE NOTRE LITURGIE :

Les lettres de saint Germain

De l’authenticité de ces lettres

Du patronage des saints

Du patronage de notre liturgie par saint Germain de Paris

Conclusion.

  1. LA SAINTE MESSE SELON L’ANCIEN RITE DES GAULES

De l’unité universelle de la liturgie

De la multitude des rites dans l’unité

Du principe formel ou structural

Critère de l’unité spirituelle

Remarque sur l’hymne de l’Offertoire.

  1. LA COMPÉNÉTRATION DES DIVERS RITES

 

En 1957, paraît du même auteur : « Le canon eucharistique de l’ancien rite des Gaules[2] ». Cet ouvrage traite d’abord :

  1. Du terme : canon eucharistique ;
  2. De l’abondance de la matière pour la restauration du canon de l’ancien rite des Gaules ;
  3. Du discernement dans le choix des textes du rite des Gaules ;
  4. De la structure du canon universel et de la structure de l’ancien rite des Gaules ; puis, l’analyse dogmatique, historique et liturgique de chaque mot du canon eucharistique.

Ces deux ouvrages de l’archiprêtre E. Kovalevsky furent écrits à la demande du clergé et des fidèles de l’Église catholique orthodoxe de France qui, attachés à leur rite, désiraient posséder une explication historique, pastorale et dogmatique. C’est une liturgie célébrée, vécue, dans l’Église orthodoxe que E. Kovalevsky commente et analyse et non un texte archaïque. Telle est la valeur unique de ces études. Nous rendons hommage à son labeur personnel, mais nous insistons sur le fait qu’il est le porte-parole de la tradition vivante de notre pays.

Deux ans après la parution du « canon eucharistique », l’Archimandrite A. van der Mensbrugghe défend dans son article précité l’authenticité des « Lettres de saint Germain » et propose plusieurs variantes de la liturgie occidentale, la dernière étant le « Missel orthodoxe gallican et italique ». Notons que le père Mensbrugghe jusqu’en 1952, année où il quitta l’Église orthodoxe de France pour se joindre au Métropolite Vissarion, collabora activement à la restauration du rite des Gaules. La Commission Liturgique, présidée par l’Archevêque Jean, examine ses travaux et donne l’appréciation suivante :

« La Commission salue l’apparition de l’œuvre de Monseigneur Alexis comme un témoignage affirmant que la restauration de l’ancien Rite des Gaules est possible, désirable et approuvée par la hiérarchie. Il paraît à l’examen que cette œuvre, identique dans sa structure et ses principaux éléments à la liturgie célébrée dans l’Église catholique orthodoxe de France, comporte des déficiences provenant d’un travail trop personnel et du caractère abstrait et rationnel de son auteur : elle est nettement inférieure à celle que célèbre l’Église catholique orthodoxe de France, en outre, elle est écrite en une langue difficile à chanter et inadaptée au langage français contemporain ».

Après la bénédiction du rite des Gaules par le patriarcat de Moscou, le Concile de l’Église russe Hors Frontières le reconnaît aussi, le 11 novembre 1959, fête de saint Martin qui préside invisiblement à toutes les dates importantes de l’histoire de notre Église de France.

Malgré cette reconnaissance en 1959 du rite des Gaules, des rumeurs malveillantes circulent dans les milieux russes, suggérant que cette liturgie est une « fantaisie personnelle » d’Eugraph Kovalevsky. C’est alors que l’Archevêque Jean forme une Commission liturgique spéciale pour étudier ce texte mot à mot et, afin de n’être point accusé d’influencer la dite Commission, l’archiprêtre E. Kovalevsky n’y prend point part.

La Commission commence par se baser sur les sources dont nous avons donné une liste complète au début de ce chapitre ; le résultat s’inscrit dans les lignes suivantes :

« La vérification du texte de la divine liturgie célébrée actuellement permet de constater que les sources susdites ont été exploitées avec la plus grande fidélité, tant dans les prières que dans les moindres détails. Notre comparaison de la divine liturgie avec "Les lettres de saint Germain" et l’analyse que nous avons faite du "canon eucharistique" fournissent les références essentielles. »

La vérification des sources achevée, la Commission examinait les travaux des quatre restaurateurs : Lebrun, Guettée, Duchesne, Cabrol (Leclercq) et concluait :

« La comparaison de la liturgie célébrée actuellement avec les textes de ces quatre restaurations fait apparaître la similitude de la construction chez les cinq auteurs (quatre, plus l’archiprêtre E. Kovalevsky) dont les versions ne différèrent que dans les détails et mettent en évidence que le texte étudié ici a mis en œuvre plus de matériaux que ne l’ont fait les quatre autres auteurs. »

Puis, ayant constaté les emprunts orientaux, la Commission termine son étude par la conclusion :

« De tout ce qui précède, des études et des comparaisons auxquelles il a été procédé, il apparaît avec évidence que la divine liturgie telle qu’elle est célébrée actuellement dans l’Église orthodoxe de France est entièrement basée sur les sources antiques. Les restaurateurs ont fait preuve, non seulement d’une vaste érudition historique et liturgique, mais aussi de leur fidélité à la tradition, évitant scrupuleusement tout élément d’improvisation personnelle et s’effaçant humblement devant l’héritage des Pères. »

Et la Commission liturgique donne sa :

 

DÉCISION

« La Commission, réunie sous la présidence de l’Archevêque Jean, décide d’apporter au canon eucharistique les quatre rectifications suivantes :

  1. Malgré la légitimité théologique des mots "Dans l’Esprit-Saint" et "En Lui" introduits dans la Préface pour souligner le dogme trinitaire, la Commission les omet car ils ne figurent dans aucun manuscrit.
  2. Elle conserve dans l’Institution l’épithète "Vénérable" qui ne figure pas dans le texte ambrosien mais dans les liturgies Romaine et Arménienne. Elle diffère sa décision sur la troisième épithète : "Magnanime".
  3. Elle retient dans le Mémorial, les mots "avec gloire" appliqués au retour du Christ, bien qu’ils ne se trouvent pas dans la totalité des textes.
  4. Dans l’Offrande, la Commission décide de supprimer les termes de "Pain de Vie et Calice du Salut", bien qu’ils soient présents dans le texte ambrosien ; cette suppression a pour but d’éviter toute équivoque sur le rôle de l’Épiclèse dans la consécration des Dons.

La Commission confirme que le texte de la liturgie célébrée actuellement dans l’Église orthodoxe de France est fidèle aux sources antiques conservées jusqu’à nos jours. La restauration est guidée par les travaux des autres liturges et répond aux critères de tradition et d’Orthodoxie.

Célébrée régulièrement dans toutes les paroisses de l’Église orthodoxe de France, la liturgie selon l’ancien rite des Gaules suscite chez les fidèles une participation profonde correspondant à leur désir de prier selon la tradition de leurs pères. »

 

 

Extrait d'un article de "Présence Orthodoxe" n°36 (2e édition)


Ce rapide survol de l'historique de la restauration de la Liturgie selon Saint Germain de Paris serait incomplet si l'on omettait de signaler le regard et la sanction récente apportée sur cette œuvre par l'Église Orthodoxe de Roumanie. Dès 1967 les documents fournis au Patriarcat roumain furent l'objet d'études critiques par les professeurs compétents de l'Académie de Théologie de Bucarest ; parmi eux, le Père E. Braniste fut le bienveillant et principal censeur. Lorsqu'au mois de Juin 1972 le Patriarche Justinien[139] et le Saint Synode de l'Église Roumaine accordèrent la bénédiction canonique et le sacre épiscopal à l'Église Orthodoxe de France, la Liturgie - cœur éternel de l'Église Orthodoxe universelle - avait reçu l'agrément de l'aréopage universitaire et celui du Concile des évêques ratifiant ainsi l’œuvre liturgique dans les statuts canoniques accordés (Article 4.)
«L'Église Catholique Orthodoxe de France célèbre l'Ancien Rite des Gaules et le Rite byzantin, contribuant par cela même à l'unité et à l'amour fraternel avec l'Église Orthodoxe Universelle».

 

 


[1]  Édité intégralement dans le volume 1 de « La restauration du rite des Gaules », Édition de Forgeville n°9.

[2] Édité intégralement dans le volume 2 de « La restauration du rite des Gaules », Édition de Forgeville n°10.