Lettre du 25 février 1945 au père Eugraph :
Cher Père Eugraph et cher ami,
Votre lettre, qui m’est parvenu qu’hier, a devancé celle que je comptais vous écrire. Obligé de partir en hâte dès la fin de votre seconde conférence, je n’avais pu vous dire de vive voix et je désirais vous exprimer cependant combien j’avais été heureux de vous entendre. Ce thème de la sagesse, au vrai sens ou vous l'avez pris et développé, me paraît de plus en plus importante pour une juste intelligence de l'Écriture et je répète combien j'ai été personnellement enchanté de la manière dont vous l'avez traité. Je puis dire que ma méditation personnelle, tous ces derniers jours, a été comme envahie par les belles pensées de l'Esprit dont vous avez su nous faire suivre la trame. Avant de sortir j'ai eu juste le temps, en échangeant deux mots avec le P. Daniélou et le P. de Lubac qui étaient derrière moi du constat[?] combien il était d'accord avec moi sur ce point.
[...]
Il vient à cette réunion des gens de toute sorte et, surtout parmi les étudiants, beaucoup ne sont mus que par la curiosité. Il n'est donc pas étonnant, mais il ne faut pas se chagriner outre mesure, de voir certains, de temps en temps, être incompréhensifs devant des questions délicates ou des interprétations mystérieuses très traditionnelles dans l'Église, mais pas familiers aux profanes.
À part cela, soyez très certain qu'ancien prêtre et ancien fidèle catholique instruit des choses de l'Église ne pouvait être ni n'a été choqué ou troublé par quoi que ce soit dans votre conférence, où tout au contraire à dû paraître, aux autres comme à moi, profondément saisissant et stimulant pour une méditation renouvelée de certains des plus beaux textes des deux testaments.
J'espère que nous pourrons bien sûr nous rencontrer et nous entretenir longuement à cœur ouvert comme jadis. Je suis très touché de la confiance et de l'amitié avec laquelle vous vous êtes ouvert à moi. De tout cœur, croyez à l'amitié ... qu'elle ... en mon propre cœur. Bien à vous dans le Christ notre Sauveur.
Louis Bouyer
prêtre de l'Oratoire.
Extrait d'article du père Eugraph de 1955 :
L’Orthodoxie subit le même sort en Occident. On ne la voit pas, on n’a rien à en dire. Mais la Providence renouvelle ses couleurs et le nombre des témoins ne cesse de croître. Un Louis Bouyer O.P. a pu cependant dire en 1955, dans une interview publiée par « La France Catholique » : « Aujourd’hui même, il y a une ignorance des orthodoxes dans ce qu’il y a de plus légitime dans leurs traditions... » et ajouter : « La tradition orientale n’est pas seulement une forme égale à la tradition catholique, c’en est la forme fondamentale, la forme (catholique romaine) en est seulement dérivée ».
Bulletin des orthodoxes français, « CONTACTS » n°2 et 3-4, 1955, article réédité aux éditions de Forgeville (n°4 p. 101)