L’Église orthodoxe et les autres Églises chrétiennes

 

Extrait d’une conférence donnée en la paroisse de Lyon le 24 juin 1963 publiée dans « Présence orthodoxe » n° 127 et les éditions de Forgeville n°5.

 

Dès que nous disons « les autres Églises chrétiennes », nous voyons immédiatement deux types d’Églises : le type des Églises traditionnelles et épiscopales (romaine, anglicane, vieille-catholique, arménienne, copte, abyssinienne... ) et un autre type, celui des Églises nées postérieurement, qui n’ont pas la succession apostolique, qui ont pris un autre aspect et qu’on appelle les Églises réformées ou évangéliques (luthérienne, calviniste) et d’autres encore qui sont issues de la Réforme (pentecôtiste, baptiste, adventiste... ). Mais avant de poser la question sur « l’Église orthodoxe et les autres Églises chrétiennes », je dois vous dire qu’un jour où je me trouvais à Stuttgart, ayant à parler sur l’unité des Églises et, ayant du temps (le temps est un grand don de Dieu), je commençai par poser la question : « le chrétien et celui qui ne l’est pas », c’est-à-dire la question de toutes les religions non chrétiennes et de toutes les tendances philosophiques à travers les siècles (platonisme, pythagorisme, stoïcisme, hégélianisme, communisme, etc.). Et comme j’avais le temps, je commençai de calculer un peu naïvement sur combien de points nous sommes d’accord nous, chrétiens orthodoxes, romains, luthériens, anglicans, baptistes, réformés, etc. En 6 heures, j’ai compté 1400 points sur lesquels tous les chrétiens sont totalement d’accord ! Mais, dès que nous sortons du cadre du Christianisme, nous trouvons une multitude d’opinions sur les choses essentielles. Quand même, malgré toutes les disputes, les guerres religieuses, l’inquisition, les anathèmes à travers les siècles, avoir 1400 points d’accord !... Je ne peux pas tout énumérer, mais commençons par le commencement : tous sont d’accord que Dieu est seul et unique créateur de l’univers et qu’Il a créé le monde du néant ; tous sont d’accord qu’il n’y a pas préexistence de la matière, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de dualité entre Dieu et le monde ; tous sont d’accord que le monde n’est pas une émanation divine mais qu’il est d’une autre nature que Dieu, qu’Il pose en dehors de Lui par sa volonté, etc. Alors, au cours de la réunion œcuménique qui suivit, je déclarai : « nous sommes saturés de notre unité ».

Quand nous aurons compris que le Christianisme présente un phénomène absolument unique dans le monde, qu’entre un homme d’ici, du XXe siècle, et un homme de Syrie, du Ier siècle, avec 2000 ans d’écart entre eux, on n’a pas vraiment l’impression d’un changement, quand nous aurons vu que des millions de gens, même en se disputant, ont tant de points communs, c’est cela qu’avant tout nous devons poser devant la conscience universelle. Nos discussions, qui sont violentes (car ce n’est pas assez souligné : on ne doit pas non plus camoufler les différences) prennent leur valeur seulement si nous avons déjà réalisé que nous avons un certain nombre de points d’accord. Et il est curieux que dans le mouvement œcuménique on n’ait pas fait ce genre de calendrier, ou de litanie ; on pense que c’est évident, mais cette évidence-là est souvent oubliée dans la conscience humaine. [...]